Camping sauvage dans un site paradisiaque en Bolivie.

J’enrage quand je vois quelqu’un vider sa carafe d’eau dans l’évier à la fin d’un repas. Je repense à cette fois où nous étions perdues et espérions retrouver un village à au moins 6 heures de marche, alors qu’il nous restait à peine 10cL d’eau pour trois. Nous nous étions lancées dans une rando de plusieurs jours, avec pour point de départ, un village en marge de La Paz, en Bolivie. Sac sur le dos, nous étions parties gaiement sous un soleil de plomb, et nous avions loupé le premier village-étape, mais avions trouvé à camper au bord d’une rivière, site idéal pour nous ravitailler et nous laver à la fraiche. Le lendemain, nous étions reparties les gourdes pleines, mais une journée de marche plus tard, toujours pas de village. C’est au bout du 3e jour, que l’eau nous a manqué et que, d’après notre carte et la topographie des lieux, nous avions estimé notre retour à la civilisation dans plusieurs heures encore. Et là, oh chance, nous avons croisé un berger qui nous a indiqué un puits à quelques mètres de là. Le vieil homme nous dit aussi avoir mal au crâne. On lui a laissé notre plaquette de doliprane et avons couru nous abreuver ! Comme quoi, l’accès à l’eau ne tient qu’à peu de choses !

Issue d’une formation d’ingénieur forestier suivie au Canada, je travaille aujourd’hui au sein d’une collectivité pour l’éducation à l’environnement et au développement durable, des valeurs qui me sont chères. Notre aventure andine y est sans doute pour beaucoup dans mes choix de vie et de carrière.

Notre tout premier auto-stop en Argentine.

Notre tout premier auto-stop en Argentine.

C’est à la fin de mes études en 2011 qu’une idée de voyage dans les montagnes sud-américaines avec une amie, devint un projet d’expédition scientifique. Deux années de recherche d’informations, de partenaires scientifiques et financiers ont permis de penser ce périple à empreinte écologique faible (l’essentiel des 10 000km ayant été parcouru à pieds ou en auto-stop). L’idée était de partager notre expérience humaine (trois copines dans une même tente pendant un an et demi, c’est une véritable école du consensus) et surtout la découverte de cultures et paysages étrangers. Nous avions donc scellé des accords avec plusieurs écoles en leur proposant des échanges pédagogiques, des articles scientifiques sur l’impact de l’Homme dans l’environnement et surtout en montant des projets d’observation de la flore et des choix d’aménagement des espaces naturels par deux communautés autochtones andines.

Rencontre avec une communauté Quechua et visite de leurs terres avec cours de botanique.

Rencontre avec une communauté Quechua et visite de leurs terres avec cours de botanique.

Programme très ambitieux donc, qui a su convaincre la Ville de Paris pour son concours Paris Jeunes Aventures, The North Face qui nous fournissait la quasi-totalité de notre matériel de plein air, ou bien encore notre entourage, premier soutien de notre toute jeune association Incahuella. Au travers de l’association, de nombreuses levées de fonds ont été organisées : ventes de tee-shirts, de bijoux de notre propre confection… toutes les bonnes idées étaient à prendre ! Nous avons ainsi réussi à financer notre voyage, en y mettant au bout 6 500€ chacune, pour 18 mois d’aventure. Un billet simple Paris-Ushuaïa en poche, nous sommes donc parties (Cécile, Sara et moi-même), un certain 12 janvier 2011.

Comme dit plus haut, l’idée était de réduire au maximum notre empreinte écologique. Nous avions mis la barre très haute car nous souhaitions tout faire à pied ! Ce fut notre premier échec, car la Terre de feu est sans doute un des endroits les plus hostiles au monde. Pas de cours d’eau à 200km à la ronde, peu de chemins pédestres mais beaucoup de routes poussiéreuses que les 4X4 dévalent. Nous avons donc levé le pouce, et ce fut finalement la meilleure initiative du voyage ! Nous avons pu sortir des sentiers battus touristiques pour nous enfoncer dans les campagnes et surtout faire des rencontres plus magiques les unes que les autres. Entre le Chili et l’Argentine, pas moins de 162 conducteurs différents nous ont pris en route. Beaucoup d’entre eux nous ont même offert le couvert, voire le gîte.  Nous n’avons fait la connaissance que de magnifiques personnes, faisant très vite baisser la méfiance et les préjugés.

"L’art et la manière de boire et servir le maté, fendre le bois et rassembler les moutons dans l’enclos sont autant de moments eux aussi inoubliables, qui n’ont pourtant rien d’extravagant, mais d’une simplicité qui manque aujourd’hui."

Au départ, nous évitions les routiers par exemple, mais nous nous sommes vite ravisées et avons découvert des hommes d’une gentillesse inouïe. Fermiers, militaires, pêcheurs, un député même ! Tous nous ont accueilli et raconté une tranche de leur vie, se livrant à leur tour aux parfaites inconnues que nous étions. Rescapé des camps de Pinochet, ou sympathisant, militant Mapuche… Je n’ai pas de mot pour dire la richesse de nos échanges. Nous avons passé en tout huit mois au Chili deux en Patagonie argentine, trois mois en Bolivie, quatre au Pérou et enfin environ deux en Equateur.

Les choses les plus marquantes, les plus belles, les plus surprenantes ? Les paysages patagons sont à mes yeux les plus époustouflants. Entre les glaciers d’un bleu éclatant, la luxuriance des forêts de hêtres, et les gauchos qui transpercent la pampa à dos de cheval, ravitaillant les villages, ces images-ci resteront à jamais gravées dans ma tête. L’art et la manière de boire et servir le maté, fendre le bois et rassembler les moutons dans l’enclos sont autant de moments eux aussi inoubliables, qui n’ont pourtant rien d’extravagant, mais d’une simplicité qui manque aujourd’hui. La vie moderne nous rattrape vite, et frappe à la porte de certains de façon originale, comme ces communautés Mapuche et Quechua qui se sont lancées dans l’éco-tourisme pour subvenir à leurs besoins, en exploitant leurs terres de manière alternative.

À gauche : 10 jours de randonnée avec 23kg chacune sur notre dos. À droite : À bord d'un camion au milieu des sacs de céréales et autres marchandises.

À gauche : 10 jours de randonnée avec 23kg chacune sur notre dos. - À droite : À bord d'un camion au milieu des sacs de céréales et autres marchandises.

Beaucoup de temps passé à certains endroits où nous avons sympathisé et fait la fête. Les finances ont d’ailleurs fini par le ressentir. Nous nous sommes alors lancées dans la vente à la sauvette de bracelets en macramé. Drôle d’expérience que nous partagions avec d’autres qui vendaient des sandwichs sur les plages de Lima, où nous étions traqués tels des revendeurs de drogue ! Que de moments forts en émotions et complicité, entre nous trois et avec nos nouveaux compagnons d’infortune. Quand je pense qu’une seule d’entre nous était réellement capable de s’exprimer en espagnol à notre départ, nos différentes aventures ont vite enrichi notre vocabulaire. Comme la fois où l’on s’apprêtait à déguster l’une de ces succulentes soupes lyophilisées aux zapatos (chaussures).. heuu…zapallos (potirons)! Ou bien encore quand l’une de nous voulant poliment repousser les avances d’un Don Juan « Yo, Tengo un pollo (J’ai un poulet)… enfin pololo (petit-copain) »!

Notre voyage était si fou que nous ne pouvions rentrer banalement en avion, et hop 6 heures plus tard retrouver une vie parisienne. Nous avons donc décidé de quitter Quito pour Saint-Martin (dans les Antilles françaises) d’où nous savions que nombre de voiliers partiraient pour l’Europe. Quelques semaines plus tard, un skipper nous acceptait à bord comme équipage. Nous ne connaissions rien du nautisme, mais nous n’avions peur de rien, et étions curieuses de tout !

À gauche : Les chiens errants, des amis collants!. À droite : Retour en bateau-stop, pour une Transatlantique d'un mois.

À gauche : Les chiens errants, des amis collants!. - À droite : Retour en bateau-stop, pour une Transatlantique d'un mois.

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