Un duo de musiciens colombiens jouent lors de la SALC.

Continuation de l’interview avec Philippe Bastelica : 

Andrea Amaya Porras : A partir de quand commencez-vous à organiser la Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes ?

Philippe Bastelica : On a commencé à travailler dès le mois de septembre. J’ai pris des premiers contacts pour l’organisation de la Semaine. A vrai dire, la volonté de l’État, c’est de faire en sorte que ce ne soit pas un phénomène passager mais quelque chose qui demeure et qui devienne pérenne, qui soit un rendez-vous régulier et qui permette de nourrir encore une fois cette relation entre la France, l’Amérique latine et les Caraïbes.

A.A.P. Quelles sont les activités organisées pour cette semaine ?

P.B.  On a de la musique, des expositions de photo, de la danse, de conférences, de la gastronomie. On met en valeur en particulier les produits de l’Amérique latine comme le café qui est d’ailleurs une belle histoire parce que c’est un produit qui est extrêmement symbolique de cette région. En tous cas, il y a une association qui se fait naturellement dans l’esprit de beaucoup de Français entre le café et l’Amérique latine et certains pays en particulier. Mais peu de gens savent que si le café est arrivé là-bas c’est à travers les Français et les Antilles. Les Français ont acclimaté aux Antilles le café qui venait d’orient et c’est de là qu’il a gagné le continent latino-américain jusqu’à devenir un produit phare d’exportation. Donc, l’histoire de la France et l’Amérique latine, c’est une histoire extrêmement ancienne et extrêmement profonde.

A.A.P. Comment se fait le travail de sélection des choses à présenter ?

P.B. Nous utilisons toutes les ressources que nous pouvons mobiliser. J’ai cité les ambassades latino-américaines, qui sont bien placées pour nous dire que tel groupe est de qualité. Le cas échéant qu’il se trouvera en Europe au moment de la Semaine. C’est une manière de solliciter les gens. Mais nous avons aussi une aide du Ministère de la Culture qui connaît le paysage des manifestations culturelles et qui nous oriente également.

A.A.P. Le public a-t-il apprécié l’événement en 2015 ?

P.B. C’est difficile d’avoir une vision d’ensemble en raison même de la très grande variété des activités qui étaient organisées au même moment. Mais, en général il y une fréquentation très satisfaisante.

A.A.P. Le public est-il composé de Français et de Latino-américains ?

P.B. Tout à fait. C’est l’un des intérêts de cette activité. Je dirais que c’est un mariage entre les Français qui s’intéressent à l’Amérique latine et les Latino-américains qui vivent en France ou qui sont de passage en France.

Ce mariage était symbolisé dans le public qui s’est réuni notamment lors de la réception qu’a organisée le Président de la République. En 2014 par exemple, la grande nouveauté a été que le Président de la République et plusieurs ministres et membres du Sénat ont organisé une réception à laquelle le président François Hollande a convié des personnalités représentatives de tous les milieux et les cercles que j’ai évoqués précédemment. C’est une des activités officielles de la Semaine.

La France est présente dans la région par la présence des départements comme la Guyane, mais aussi à travers les départements français des Antilles.

A.A.P. Quel est l’intérêt de faire cette rencontre ?

P.B. L’idée qu’il y a derrière c’est de mettre l’accent sur la priorité diplomatique que le gouvernement a décidé de donner à l’Amérique latine. On va faire que cette priorité ne soit pas momentanée mais que nous sachions mettre en valeur tous les aspects de la relation qui unit la France et cette région du monde.

Représentants du Gouvernement français et des pays latino-américains ont assisté à la célébration officielle de la SALC à l'Elysée.

A.A.P. Comment définissez-vous les relations entre la France, l’Amérique latine et les Caraïbes ?

P.B. C’est difficile de les résumer parce qu’elles sont d’une grande diversité, d’une grande richesse. Elles sont très anciennes la plupart du temps. Ce ne sont pas des relations anodines. La France est présente dans la région par la présence des départements comme la Guyane, mais aussi à travers les départements français des Antilles. Cela est un trait particulier.

Un autre trait, c’est la latinité précisément. Cette sorte d’affinité culturelle qu’on a résumée à travers ce terme qui d’ailleurs est un terme qui fait débat. Quel sens faut-il donner à cette notion d’Amérique latine, mais je crois que si on a inventé ce terme c’est que cela correspond à une réalité à laquelle ne se résume pas notre relation mais qui y contribue beaucoup.

De nombreux Latino-américains ont choisi de venir en France quand il a fallu qu’ils choisissent le chemin de l’exil. C’est quelque chose qui a beaucoup contribué à nourrir cette relation très profonde qu’il y a entre nous.

A.A.P. Quel autre aspect peut définir ces relations ?

P.B. Je dirais qu’il y a aussi une longue tradition de fascination réciproque, de nombreux écrivains ou artistes latino-américains ont fréquenté la France depuis très longtemps, ont écrit sur la France des pages parfois magnifiques, y ont vécu des moments très importants de leurs vies. De la même manière, il y a une fascination française pour les lettres latino-américaines et tout ça a tissé des relations qui ne sont pas forcément perceptibles de tous au premier coup d’œil, mais qui structurent la relation entre la France et cette partie du monde.

Et puis, il y a des relations importantes dans le domaine des idées. Il y a un lien existant entre la philosophie des lumières, qui est la source de la Révolution Française et le mouvement des indépendances en Amérique latine. Il y a une relation très étroite, intellectuelle qui s’établit entre ces deux phénomènes. Mais il n’y a pas que le domaine des lettres, des arts et de la pensée qui nous unisse, il y a également des relations économiques très anciennes qui sont, je crois, mutuellement profitables.

A.A.P. Dans quel sens ces relations économiques sont-elles profitables des deux côtés ?

P.B. Précédemment, j’ai parlé du café qui est un fait fondamental, j’ai cité l’origine de la présence du café sur le continent. Plus tard, au cœur du XIXe siècle, par exemple, les expositions universelles que la France a beaucoup promues, ont été également un instrument du développement des exportations latino-américaines vers l’Europe. Et ces produits comme le café et d’autres de l’Amérique latine, ont pu contribuer à la prospérité de ces pays en partie à travers cette caisse de résonance que constituaient les relations entre la France et cette partie du monde.

Aujourd’hui ce qu’on peut dire, parce qu’il ne faut pas avoir un regard qui privilégie excessivement le passé, c’est que ces relations se sont entretenues sur le plan humain dans les moments de difficultés liés aux vicissitudes des régimes politiques au fil des siècles passés. De nombreux Latino-américains ont choisi de venir en France quand il a fallu qu’ils choisissent le chemin de l’exil. C’est quelque chose qui a beaucoup contribué à nourrir cette relation très profonde qu’il y a entre nous. Comme toujours, quand une relation trouve sa source dans la nécessité, cela créé quelque chose de très fort. Et aujourd’hui, je dirais qu’il y a toujours une attention très forte réciproque mais une attention qui mérite d’être retenue.

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