Le 11 Septembre 1973, le général Augusto Pinochet organise le coup d’état militaire, il renverse le gouvernement de gauche et accède au pouvoir. Le président, Salvador Allende, se suicide. Un régime militaire marqué par de multiples violations des droits de l’homme gouverne le Chili pendant les 17 années qui suivent. La majorité des familles des victimes – disparues, torturées ou exilées – n’obtiendront jamais justice pour les crimes sanglants commis pendant la dictature de Pinochet. Décédé à 91 ans, il ne sera jamais condamné pour les faits commis pendant son gouvernement.

Renata Molina est une chilienne née en France en 1975. Sa mère, réfugiée politique, est arrivée un mois avant la naissance de sa fille Renata. Lorsque des militaires du régime de Pinochet l’ont envoyée dans un camp de concentration et de torture au Chili, elle était déjà enceinte. Militants du MIR – le mouvement de la gauche révolutionnaire -, les parents de Renata vivaient dans la clandestinité au moment de leur arrestation. Après une période en détention, sa mère dut quitter le pays par décret d’expulsion. Le père de Renata, lui, figure toujours aujourd’hui dans la liste des disparus.

Dans les années 70, le réseau existant pour aider les victimes des dictatures du Cône sud (Argentine, Paraguay, Uruguay, Pérou, Bolivie, Chili) était très actif en France. Parmi les groupes de ce réseau, il y avait à Paris l’association France Amérique Latine (FAL), créée en 1970 par des syndicalistes français qui étaient en lien avec les syndicats chiliens. Parmi les fondateurs de cette association, il y avait des prêtres et des religieux qui faisaient partie de ce qui s’appelait à l’époque la mouvance « Théologie de la libération ». Cette expression fut utilisée une première fois par le prêtre péruvien Gustavo Gutiérrez lors du congrès de 1968 du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) à Medellin en Colombie. Ce courant de pensée chrétienne se caractérisait par le fait que beaucoup de membres du clergé furent impliqués dans les luttes politiques de l’époque en Amérique latine. Des ressources de l’Eglise aideront au combat social dans cette région, et FAL a fait partie des bénéficiaires. Ce sont donc ces prêtres ouvriers qui vont aider un grand nombre d’exilés latino-américains en Europe. Cependant, dans les années de dictature au Chili, beaucoup furent tués dans ce pays à cause de leur opposition au gouvernement militaire.

Renata Molina.

Renata Molina.

FAL a commencé comme une organisation pour aider surtout les syndicalistes chiliens. Elle est née grâce à la solidarité avec le mouvement de l’Unité Populaire (UP) au Chili, coalition des partis de gauche qui a soutenu Salvador Allende pour son ascension au pouvoir. Au sein de FAL, il y a des gens qui viennent d’horizons très différents : des mouvements syndicaux, de la théologie de la libération, des mouvements associatifs, etc., et sont organisés en Comités Locaux – 30 au total – dans toute la France. C’est grâce à l’histoire et la diversité politique de cette organisation que le groupe fait un travail de solidarité internationale, avec cette spécificité qu’ils font de la gestion de projets, notamment en Amérique latine.

L’histoire de FAL a fait écho quelques années plus tard avec l’histoire personnelle de Renata Molina. Son besoin de savoir ce qui s’est vraiment passé avec son père et son désir de participer activement dans les processus politiques de l’Amérique latine furent les raisons de ses choix académiques et professionnels. R. Molina a un DESS en Echanges Internationaux Europe-Amérique-latine à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (IHEAL). Son histoire avec FAL a commencé en 2003, quand elle fut embauchée comme chargée de projet au siège national de l’association qui se trouve à Paris. Ses tâches furent, entre autres, l’organisation des manifestations culturelles, l’organisation du festival de cinéma et la relecture et traduction d’articles ainsi que la recherche de nouveaux auteurs pour le magazine de l’association.

En 1980, FAL s’est doté d’une revue : FALMAG. La publication fut créée par le réseau de militants, d’experts et d’universitaires que l’association avait à l’époque. R. Molina affirme que le magazine se crée par besoin de parler de l’Amérique latine et de ce qui se passait là-bas. Ainsi, la majorité d’articles publiés sont écrits par des chercheurs et des associations qui viennent de ce côté du monde. Les sujets principaux du magazine sont la violation des Droits de l’Homme, les mouvements sociaux environnementaux, la lutte contre l’impunité et la défense des communautés indigènes. FALMAG est une publication trimestrielle (4 numéros par an et un hors série), tirée à 600 exemplaires et distribuée par abonnement aux organismes intéressés par les sujets du magazine.

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Avec le temps, la solidarité de FAL s’est ouverte aux réalités latino-américaines et ils ont commencé à combattre la violation des droits humains, politiques, syndicaux, économiques, écologiques et culturels. R. Molina affirme que « dans les années 80, par exemple, la solidarité s’est orientée vers la Révolution sandiniste, la dénonciation du génocide au Guatemala, la Révolution cubaine et son blocus économique inadmissible. Les années 90 : la solidarité avec le soulèvement zapatiste de 1994, la fin de la dictature chilienne. Les années 2000 : l’apparition de la dynamique des forums sociaux mondiaux (FSM) et leur déclinaison continentale et locale. »1 Ainsi, FAL a commencé à participer à la dynamique altermondialiste et R. Molina aidera par un travail de réseau dans le cadre de cette dynamique.

"Depuis quarante ans, Renata Molina attend encore le procès au Chili pour la disparition de son père, qui a malheureusement été victime des crimes de la dictature de Pinochet."

Un autre événement important dans la vie de FAL : sa participation au Tribunal Permanent des Peuples (TPP) qui se réalise dans le cadre du Sommet des Peuples réalisé par le réseau Enlazando Alternativas. « Le Tribunal Permanent des Peuples a pour origine les Tribunaux Russel sur le Vietnam (1966-1967) et sur les dictatures en Amérique latine (1974-1976). Il s’est constitué formellement en 1979 et se compose d’un nombre important de membres nommés par la Fondation Internationale Lelio Basso. Sa fonction est de qualifier en termes juridiques et de rendre visibles certaines situations ou des violations massives contre les droits fondamentaux de l’humanité qui ne trouvent pas de reconnaissance ni de réponse devant les instances officielles. »2 Cette rencontre, promue par divers mouvements sociaux ainsi que des organisations non-gouvernementales d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), est organisée parallèlement au Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernements de l’ALC et de l’Union Européenne. Ainsi, des cas de violations des droits, de génocides, de destruction de l’environnement, entre autres, ont été jugés de façon symbolique. Ceux qui rendent possible ce tribunal sont les participants : des syndicats, des partis politiques, des organisations de défense des Droits de l’Homme, des organisations environnementales, entre autres. R. Molina argue que cette rencontre est une conséquence des déclinaisons des dynamiques des Forums Sociaux Mondiaux : « Quand nous participons au Tribunal Permanent des Peuples, nous sommes à la recherche d’une jurisprudence ou d’une loi qui devrait se mettre en place pour lutter contre des violations des Droits de l’Homme qui sont flagrantes. Avec notre participation, l’idée est de pouvoir contribuer d’une certaine manière à ce qu’il y ait des créations de lois juridiques qui sont actuellement inexistantes. »

Les enjeux sociaux et politiques auxquels FAL participe font penser au début de cet article : l’histoire de Renata Molina et de sa famille. Depuis quarante ans, elle attend encore le procès au Chili pour la disparition de son père, qui a malheureusement été victime des crimes de la dictature de Pinochet. La mer des morts est le nom que R. Molina donne à la disparition de son père, qui fut jeté à l’océan comme beaucoup d’autres personnes trouvées mortes sur certaines plages de Chili. Le travail que cette chilienne a fait pendant six ans avec FAL lui a servi pour reconnaître la chance qu’elle et sa mère ont eue en profitant de la politique d’accueil des réfugiés que la France a instaurée dans les années 70. Aujourd’hui, la situation n’est pas la même car l’asile politique n’est quasiment reconnu par personne. Par conséquent, R. Molina se sent redevable de tout ce qui se passe avec les groupes humains vulnérables dans tous les sens : « Si je suis encore en vie avec ma mère, c’est grâce à la solidarité internationale », affirme-t-elle.

1. MOLINA, Renata, Déjà quarante ans de solidarité, Editorial, FALMAG, N° 100, 1er trimestre 2010, p. 3.
2. RAMIRO, Pedro, membre de l’Observatoire de Multinationales en Amérique Latine (OMAL), Globalisons les résistances contre le pouvoir corporatif, FALMAG, N° 100, 1er trimestre 2010, p. 15.
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Téléphone : +33 (0)1 45 88 20 00
www.franceameriquelatine.org site de FAL
www.franceameriquelatine.fr site de l’agence de voyages de FAL

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