Alterlatine : Comment vous vous êtes connus ?

Théo Saffroy : J’ai rencontré Tanguy au lycée Rueil Malmaison et nous avons continué notre parcours ensemble en école de commerce où nous avons notamment effectué un échange universitaire au Mexique, à Cuernavaca en 2012.

Combien de voyages avez-vous fait ensemble et quel type de voyage ?

En Europe, nous sommes allés en Angleterre, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Nous avons surtout beaucoup voyagé ensemble au Mexique : dès que nous avions un créneau de libre entre les cours nous en profitions pour explorer ce magnifique et grand pays (plus de trois fois la France) !

À ce moment-là nous étions principalement à pied. Nous avons découvert la diversité et le rayonnement culturel du Mexique de cette manière, en visitant les villes, en faisant des treks dans la jungle au Chiapas ou en explorant des îles comme Cozumel et Isla Mujeres en scooter.

Quand et comment est née l’idée du projet El Grito ? Pourquoi avez-vous donné ce nom ?

C’est justement au retour du Mexique que le projet est né. C’est un pays qui nous a beaucoup fait grandir et que nous portons tous les deux dans notre cœur, alors assez logiquement nous avons voulu découvrir le reste de l’Amérique latine !

El Grito (« le cri », en français) est le nom du discours d’indépendance scandé lors de la fête nationale mexicaine célébrée le 16 septembre. Il remercie Hidalgo et Morelos, les héros de la patrie, et se ponctue d’un « Viva México » impressionnant de ferveur patriotique. C’est donc un cri d’espoir qui correspondait bien à notre désir d’aventure !

Théo et Tanguy.

Théo et Tanguy.

24 466 km parcourus en huit mois.

24 466 km parcourus en huit mois.

Combien de temps avez-vous mis pour tout préparer avant de partir en Amérique du sud ?

Au total un an. Le plus important était de mettre de côté assez d’argent pour acheter les motos, le matériel de tournage et tenir huit mois durant. Le plus chronophage a surtout été la recherche de sponsors autour de notre projet moto & culture.

Comment se passe la préparation d’un voyage comme le votre ?

Beaucoup d’excitation durant toute l’année qui a précédé le départ. La construction du projet elle-même a été très enrichissante, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui ont pu nous aiguiller sur la mécanique car nous n’y connaissions rien, les détails pratiques (assurances, tracé moto, etc.), ou qui nous ont simplement partagé leurs idées et leurs contacts. Du travail aussi, pour se faire connaître et trouver des sponsors financiers mais aussi pour acheter les motos et le matériel vidéo.

Peux-tu nous raconter un peu votre voyage ?

Le départ a été un mélange de soulagement et d’engouement pour une aventure qui enfin commençait. Sur place, il fallait encore acheter les motos, les mettre à notre nom au Chili (ce qui n’est pas une mince affaire) et les préparer.

Le voyage en lui-même, en y repensant, a été une montée d’adrénaline permanente : beaucoup de kilomètres parcourus (24 466 km au total) et d’endurance physique, des rencontres humaines et des paysages au quotidien. C’était fascinant !

À la fin du voyage, nous avons eu beaucoup d’émotion et de fierté d’y être arrivés sans dégâts physiques ou mécaniques majeurs !

Explique-nous le concept de « moto-journalisme ».

Le « moto-journalisme » est un terme que nous avons créé pour présenter notre démarche de reportage : une aventure à moto, un challenge sportif et une introspection culturelle à l’aide de la photographie, de la vidéo et de prises de son.

À l’origine, nous nous sommes inspirés du Journalisme Gonzo dans son approche immersive du reportage, notamment avec des caméras embarquées visant à partager les rencontres et les paysages hors du commun du continent. Nous nous sommes aussi et surtout intéressés aux cultures en interviewant des personnes rencontrées par hasard sur notre parcours mais également en travaillant avec elles, notamment avec les communautés natives du continent qu’il était indispensable de rencontrer pour comprendre l’identité sud-américaine dans son ensemble.

Nous avons vécu avec les Quechuas, les Mapuche ou encore les Yaneshas avec qui nous avons participé aux récoltes de café, de blé ainsi qu’à la pêche. Une expérience très enrichissante !

À gauche : Tanguy dans le marché à la Paz, en Bolivie. À droite : ancienne station de trains à Uyuni, en Bolivie.

À gauche : Tanguy dans le marché à la Paz, en Bolivie. - À droite : ancienne station de trains à Uyuni, en Bolivie.

À gauche : région de la Patagonie, au Chili. À droite : Théo accompagné des membres d'une famille Yanesha, au Pérou.

À gauche : région de la Patagonie, au Chili. - À droite : Théo accompagné des membres d'une famille Yanesha, au Pérou.

Comment a été la démarche avec les personnes interviewées et les rencontres avec les groupes indigènes ?

Souvent du hasard et peu de culot, nous sommes chez le coiffeur et nous avons un bon « feeling » avec la patronne alors pourquoi ne pas lui proposer !

En revanche, la rencontre avec les communautés natives demande un peu plus de précaution. Ce sont des communautés qui ont une grande philosophie de l’accueil mais il faut respecter certains principes « cérémoniaux » de la rencontre, aussi parce que certaines personnes peuvent avoir de la méfiance face au « gringo », image éternelle de l’oppresseur passé. Notre démarche avec eux était simple : vivre quelques jours avec eux, échanger sur nos différences et participer à leurs travaux quotidiens pour découvrir leur mode de vie. Et nous avons toujours reçu un bon accueil !

Quelles sont les différences et les similitudes les plus marquantes des gens de huit pays différents ?

L’Amérique latine, c’est avant tout une entité linguistique : au total 19 pays du continent sont hispanophones.

Physiquement, un métissage entre l’espagnol, l’indien (lui-même issu d’une migration venue d’Asie) et l’africain apporté par l’esclavage. Au Chili, en Argentine et en Uruguay le physique et l’urbanisation sont très européens. Les pays andins comme la Bolivie et le Pérou, sur l’ancien royaume Inca, et même l’Équateur, ont un héritage précolombien plus important et possèdent des traits indiens plus marqués issus d’un métissage avec les communautés natives, encore très représentées dans ces pays, notamment les Quechuas. Au nord de la Colombie, un métissage noir existe, dû à l’arrivée par les Caraïbes d’esclaves africains, lors de la traite des noirs.

Enfin, l’enthousiasme, la solidarité, l’importance des valeurs familiales sont autant d’aspects communs à ces pays qui rendent l’expérience sud-américaine unique.

Et des paysages de ces huit pays ?

La Cordillère des Andes, omniprésente de la pointe sud du continent à la Colombie, offre un spectacle décoiffant et multicolore sur tout le continent. Les pays les plus au nord (Pérou, Équateur et Colombie) bénéficient du triptyque « selva » – « sierra » – « costa » qui rend leur traversée très surprenante et excitante.

À gauche : garde de la Laguna colorada, en Bolivie. À droite : vendeuse au marché de Cuzco, au Pérou.

À gauche : garde de la Laguna colorada, en Bolivie. - À droite : vendeuse au marché de Cuzco, au Pérou.

Tanguy et Théo dans le désert d'Atacama, au Chili.

Tanguy et Théo dans le désert d'Atacama, au Chili.

Avez-vous atteint votre but d’apporter du sens au discours que vous faisiez des populations sud-américaines ?

Oui ! Une des grandes richesses de ce voyage a été de pouvoir sentir au fil des kilomètres les nuances culturelles entre ces pays. Au départ, il y a une langue et une histoire commune liée à la colonisation, mais chaque pays a une identité bien spécifique liée à sa géographie, sa mixité raciale, ses guerres également.

Selon vous, quel est le véritable visage des cultures sud-américaines ?

Un visage passionné et patriote qui ne se résigne pas, même face aux inégalités malheureusement trop présentes. Un visage décomplexé qui abrite un fort potentiel de développement. Un visage aimant et chaleureux inévitablement.

Plage à Huanchaco, au Pérou.

Plage à Huanchaco, au Pérou.

Quels sont les prochains projets de El Grito ?

Nous sommes en train de monter nos dernières vidéos. Il y a notamment un super sujet en cours sur la production du café au Pérou où nous expliquons toutes les étapes de fabrication. Nous présentons aussi notre rencontre avec les Yaneshas, une communauté native de la région Oxapampa, au Pérou.

Du 3 au 16 mai 2017, nous présenterons nos reportages à la médiathèque de Suresnes au travers d’une exposition multi-expérientielle en proposant différents types de contenus : photographique, audiovisuel, sonore, musical, éditorial et matériel. L’objectif ? Faire vivre une immersion dans le continent originale, sensibiliser à l’Amérique latine et au voyage comme expérience de vie. Nous vous donnons rendez-vous !

Plus d'infos

www.el-grito.org

Médiathèque de Suresnes
5 Rue Ledru Rollin
92150 Suresnes

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