"Gaby", huile sur boîte métallique, 7 cm diamètre x 2 hauteur, 2014.

16 septembre 2002 : ma rencontre avec la France n’a pas été un choc

Je débarque à Paris et il a fallu plusieurs mois pour que je réalise que j’étais bien là… et bien parti. Des années, encore, pour mesurer l’impact que cette rencontre allait avoir sur ma vie. Mon parcours est simple : je peaufine ma pratique de la langue française avant de faire un passage éclair à l’université d’Aix-en-Provence, je me tourne ensuite vers les écoles d’art.

2004 – 2006 : je passe mes deux premières années a la Villa Arson à Nice.
2006 – 2009 : je finis mon cursus – DNSEP en poche – à L’ENSA Nancy.
2009 – 2010 : retour à Paris pour une année de Master Pro à la Sorbonne en Histoire de l’art ou Comment exposer l’art contemporain ?

"L'artiste creuse son trou", fusains, graphite et acrylique sur papier, 110 x 80, 2014.

2010 : l’artiste creuse son trou

L’après-école est une période creuse dans mon expérience. Peu de choses préparent l’étudiant à la vie hors des murs de l’école. Par ailleurs, on a du mal à envisager ce que le mot « artiste » signifie vraiment : il possède une aura remplie d’images – bonnes et mauvaises. Elles sont toutes vraies, plus ou moins, et dans leur ambigüité elles fardent la réalité de l’artiste.

Je suis entré dans le marché du (petit) travail. Bien avant cela je multipliais déjà les interventions auprès des galeries et centres d’art dans la régie des expositions. J’ai commencé comme barman à Châtelet et ensuite je me suis déguisé en vendeur chez un biscuitier. De cette expérience est née une première série des travaux autour de l’érotisme et la sexualité. La Gourmande pose une des bases sur lesquelles s’est construit mon travail depuis : un désir de questionner les fantasmes et les a priori autour de la sexualité et de l’identité à travers l’appropriation d’images et des modèles préexistants.

"Lol", fusain sur papier, 77 x 100, 2014.

2012 : le droit d’être étranger

Malheureusement tout s’est très vite arrêté car suite à un problème de changement dans mon statut d’immigrant j’ai perdu mes papiers et par conséquent mon travail. L’une des difficultés de vivre dans un autre pays, artiste ou pas, est de consolider son statut social. Cela demande de justifier les motivations de sa présence, notamment pour soi. Le quotidien de l’artiste est une aventure pleine d’incertitudes et son ancrage « officiel » y ajoute un degré de difficulté. Néanmoins, et bien que cela ne soit pas toujours facile, la France reste une terre d’accueil ouverte aux besoins particuliers des artistes. Aujourd’hui, je suis fier de porter la double nationalité – colombo-française – comme la marque des deux pôles qui me définissent.

J’ai toujours pensé que je n’avais jamais choisi les pays dans lesquels j’ai vécu. J’aime penser que la France m’a, plus ou moins, choisi et que moi je lui ai dit « oui ».

David Rodríguez.

David Rodríguez.

Les chaussures de marche sont le début de la résistance, m’a-t-on dit

La vie de l’artiste se bâtit comme une forme de résistance : au temps, aux modèles, à l’économie, à soi, etc. Mon ami – et ancien professeur – Laurent-Marie Joubert m’a toujours incité à conquérir une forme d’autonomie pour ma pratique. En France, la résistance reste un moteur d’évolution personnel et un modèle de société.

Le facteur économique est un point crucial dans la consolidation d’une pratique artistique, en cela le système social français est toujours un soutien important pour les artistes, dont j’étais moi même le bénéficiaire. À cet engrenage se joint un mouvement fort de solidarité (résistance) qui apporte une solution aux nombreux problèmes logistiques : ateliers, moyens de production et de stockage, lieux de diffusion. Le monde associatif est une dynamique forte dans cette quête d’autonomie. Deux structures en particulier ont été marquantes dans mes activités en France : La Vache bleue à Paris, où j’ai bénéficié d’un espace atelier pendant deux ans et d’une galerie que j’ai contribué à renouveler. Puis une résidence artistique en Ardèche créée par l’association STUDIO M.A.E.S. LE SILENCE DU MONDE, né du désir de Jean-Claude Maes de soutenir les artistes en faisant don de son ancien atelier suite à son décès. Si le projet a du mal à s’ancrer dans les canaux officiels, il reste vivant grâce à la volonté des artistes qui s’y impliquent.

"The masked man", fusain sur papier , 110 x 80, 2016. -

2014 : un nouveau départ  

Par le biais de M. Joubert j’ai rencontré Paul Devautour, ancien directeur de l’École de Bourges et aujourd’hui à la tête du programme OFFSHORE de l’ENSA Nancy à Shanghaï. Ce projet s’est lui même construit comme une réaction au système éducatif en place. Actuellement, bien qu’adopté, sa survie reste précaire. En deux jours, et sans plan précis, un appel à candidature m’a ouvert les portes de la Chine. Une fois de plus j’ai eu l’impression d’avoir été choisi. C’est en Chine que j’ai rencontré celle qui est devenu mon épouse et avec qui je partage cette « troisième chose » qui nous lie : la France.

Aujourd’hui j’apprends le chinois, et je cherche les moyens de maintenir mon autonomie de création. J’envisage l’enseignement des langues ou de la peinture. En parallèle je poursuis mes recherches plastiques et je prépare une exposition qui se tiendra au mois de mai à la galerie Le Point Fort à Strasbourg, galerie qui me représente depuis 2014. Elle fait partie d’un programme « off» dans le cadre de l’année France-Colombie 2017. Mon objectif est de faire ressortir ce qui lie les différents projets qui ont suivi La Gourmande, avec comme background cette curiosité sur la construction d’une identité sexuelle autour du fantasme, et une obsession des images qui laissent entrevoir l’ambigue et fine limite entre plaisir et souffrance. La (B)ataille pour une jouissance au quotidien.

"Hiking", impression jet d’encre et acrylique sur papier photographique matte, 160 x 110, 2015.

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