Ana Carla dans les rues de Paris. Crédit : Jawad Elajnad.

Entre le Chili et la France, c’est à Cuba où la famille Maza trouva refuge

Ana Carla doit son prénom à son père, Carlos Maza, célèbre pianiste et compositeur chilien exilé en France pendant la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Son grand-père, Norton Maza, fut un guerillero qui luttait au Chili dans les temps de crise politique. Il devra chercher refuge en Europe avec sa famille. Carlos était un enfant à cette époque. En 1975, les Maza arrivèrent en France avec leurs valises, cependant, leur séjour fut court car Norton décida quelque temps plus tard de partir pour Cuba. Ils restèrent en France cinq ans et partirent ensuite pour l’île caribéenne. À cette époque, le régime communiste de Castro ouvrait ses portes à tous ceux qui voulaient retourner au Chili pour lutter contre la dictature de Pinochet.

La famille Maza trouva refuge dans cette nouvelle culture, pas si différente de la sienne, au moins au niveau de la langue. À l’âge de huit ans, Carlos commença des études musicales au Conservatoire de La Havane (Guanabacoa), où il rencontra Mirza Sierra, une jolie Cubaine qui deviendrait longtemps après son épouse et la mère de ses deux filles : Ana Carla et Camila.

La famille Maza Sierra.

La famille Maza Sierra.

Carlos et Mirza ont toujours eu la musique dans le sang. Il joue du piano et compose et elle joue de la guitare et de la basse. Avec le temps, la famille Maza est devenue un groupe de musique. Pour ce faire, Ana Carla raconte qu’elle commença à chanter à l’âge de quatre ans dans la chorale d’enfants que sa mère dirigea à La Havane, et ensuite à Hershey, un petit village où elle a grandit. A l’âge de huit ans, elle commença le violoncelle au Conservatoire de La Havane (Guanabacoa) et prit des cours privés de piano avec Miriam Valdés, sœur de Chucho Valdés, célèbre pianiste cubain de jazz. Leur père, Bebo Valdés, fut également un pianiste très connu de jazz afro-cubain.

Avec une grande nostalgie, Ana Carla raconte que l’un des ses meilleurs souvenirs d’enfance et aussi l’un des premiers contacts profonds qu’elle a eu avec la musique à été à l’âge de trois ans : « À cette époque, il y avait la chanson ‘Conga de la Esperanza’ que j’adorais de l’album de mon père Tierra Fertil et qu’il mettait tous les matins pour me réveiller. J’ai encore dans la tête le to tin ta ra ra, pon, pon ! to tin ta ra ra, pon pon ! Depuis, j’avais déjà cette énergie les matins pour bien commencer la journée. Et tout ça grâce à mes jeunes parents, ils n’avaient que 22 ans à cette époque ! »

Ana Carla Maza. Crédit : Dominique Souse.

Ana Carla Maza. Crédit : Dominique Souse.

Depuis lors, Ana Carla n’arrêta de penser à la musique. Un jour, ses parents lui parlent du violoncelle. Ella commença à écouter de plus en plus cet instrument dans les concerts de l’Orchestre Symphonique à La Havane et à la radio, jusqu’au jour où elle reçoit en cadeau un violoncelle. Personne ne savait qu’un amour allait naître : « C’est avec toi que je vais toujours rester », pensa Ana Carla au moment de recevoir son instrument.

Ana Carla et son violoncelle déménagent en Europe

Cuba est un pays très musical, l’île où tout le monde veut aller avant la fin du communisme, néanmoins, la réalité des Cubains est très différente du reste du monde. Pour cette raison, en 2007, Ana Carla et sa famille déménagèrent à Tarragone, en Espagne. Changer de pays l’aidera à trouver le son qu’elle cherchait grâce à la musique classique. Elle trouva également son identité avec le violoncelle : « Arriver en Europe à l’âge de douze ans a été un vrai choc. La musique a été le seul moyen pour moi de communiquer avec les gens », raconte-t-elle. De 13 à 15 ans, elle gagna plusieurs concours d’interprétation de musique classique à Barcelone et parti en tournée comme soliste de l’Orchestre Symphonique Méditerranée, du violoncelliste roumain Cristian Florea, qui a aussi été son professeur de violoncelle.

À gauche et à droite : Ana Carla avec Vincent Ségal en concert. Crédit : Nikolaj Lund et Christophe Charpenel.

À gauche et à droite : Ana Carla avec Vincent Ségal en concert. Crédit : Nikolaj Lund et Christophe Charpenel. -

Durant les cinq ans vécus en Espagne, son père lui a appris le jazz, les musiques du monde, l’art d’improviser et a fait d’elle une musicienne sans barrières. La Famille Maza (avec sa mère et sa sœur) enregistrèrent plusieurs albums et partirent en tournée en Europe, notamment au Konzerthaus à Vienne, en Italie, au Portugal, en Roumanie et en Norvège. En France, Ana Carla rencontra Vincent Ségal lors du Festival de Jazz à Amiens, en 2011. Ségal est maître du violoncelle et avais fait une collaboration précédemment avec le père d’Ana Carla pour son album Salvedad.

Qu’est-ce qui te rend si heureuse quand tu parles, Ana Carla ? Je lui pose la question alors qu’elle finit son café et son bout de carotte. « À Cuba, nous sommes des gens très positifs. Être heureux est un devoir qu’on ne peut pas oublier », dit-elle, en ajoutant : « les grandes chansons d’amour latino-américaines peuvent être parfois un peu tristes, mais, à la fin elles terminent toujours avec un rythme ‘délicieux’, qui se transforme en bonheur. »

Prochaine station : Paris  

Malgré la situation socio-politique et économique, Cuba est l’endroit où Ana Carla garde ses meilleurs souvenirs. Elle a laissé ses amis et sa vie dans l’île pour devenir musicienne en Europe. Son destin lui prépara un voyage à Paris grâce à son parrain musical et maître du violoncelle, Vincent Ségal, qui l’aida à aller à la capitale française en 2012 pour étudier le violoncelle au CRR de Paris dans la classe de Raphael Pidoux, et ensuite dans la classe d’Helene Dautry.

Parallèlement à ses cours au conservatoire, Ana Carla lança son projet en solitaire. Elle enregistra ses premières maquettes en solo acoustique et les enverra au Festival des Jeunes à Paris Ici & Demain, qui accepta sa candidature et lui proposa son premier concert en solitaire à l’Espace Pierre Cardin. Vincent Ségal l’invita aussi à jouer en duo à l’Amphi Opéra de Lyon et ils interprétèrent les chansons de son père, Carlos Maza.

Tournée en France avec Jean Louis Aubert, ancien membre du groupe Téléphone, au Théâtre du Chatelet à Paris. Crédit : Laurent Bugnet.

Tournée en France avec Jean Louis Aubert, ancien membre du groupe Téléphone, au Théâtre du Chatelet à Paris. Crédit : Laurent Bugnet.

En 2014, après avoir obtenu son prix DEM à l’unanimité au CRR de Paris, Ana Carla partit en tournée dans toute la France avec Jean Louis Aubert, ancien membre du groupe Téléphone. Les salles les plus importantes en France comme le Théâtre du Chatelet, le Palais des Congres et des nombreux Zénith accueillirent le violoncelle et la voix de cette jeune cubaine.

Entre 2015 et 2016, le monde commença à connaître Ana Carla

Suite a la tournée avec la légende du Rock, elle reçut une invitation de la Cite International des Arts à Paris pour une résidence de création artistique de 22 mois. Ana Carla vécut dans un atelier de 20m2 face à la Seine, où elle commença l’une des étapes les plus créatives et riches, dédiée entièrement a la consolidation de son projet en solitaire, les concerts et ses études en musicologie et interprétation a la Sorbonne Paris IV et au Pole Supérieur Artistique d’enseignement à Paris. C’est à la Cité des Arts qu’elle écrit et composa les chansons de son premier album qui sortira en automne 2017.

Ana Carla Maza. Crédit : Dominique Souse.

Ana Carla Maza. Crédit : Dominique Souse.

En 2015 et 2016, Ana Carla ne s’arrêta pas. Elle fit plus de 120 concerts dans une période de dix mois : en Norvège, les concerts en famille et en duo avec son père, les collaborations avec d’autres artistes, les concerts de musique de chambre, l’orchestre symphonique du PSPBB et sa plus récente tournée des concerts en solo acoustique organisée par son tourneur français Jazz Musiques Productions. Elle joua également dans des Festivals en France comme Jazz sous les Pommiers, Jazz a Vienne, Jazz à Aix, Jazz a Junas, ainsi que Jerash Festival en Jordanie, Etnika Festival en Slovenie et On the Roof à Amsterdam. On entend aussi son violoncelle vibrer comme violoncelle solo dans la bande d’annonce des films « Oka » de Souleymane Cissé et « Underground fragance » de Peng Fei Song.

Avec une vie si active, Paris est le petit refuge d’Ana Carla quand elle a besoin de tranquillité. Cependant, elle admet que Paris est une ville qu’il faut comprendre. La mélancolie et la nostalgie qu’elle dégage la maintiennent vivante et la nourrissent au niveau artistique. Violeta Parra, Benny Moré, Nina Simone et aussi Serge Gainsbourg sont ses maîtres lors des après-midis en face de sa fenêtre ou en marchant à côté de la Seine avec ses écouteurs. Ils sont ses modèles et sont toujours présents pour la forcer à être une meilleure artiste.

Prochains concerts en solo acoustique
24 juin – Solo Acoustique – Nuits Intimes du Sud
29 Juillet- Solo Acoustique – Saint Symphorien de lay
23 Aout – Famille Maza – La Ciotat –
24 Aout – Solo Acoustique – Casino de Gérardmer
10 Novembre – Solo Acoustique – Jazz a Grignan

Plus d'infos

www.jmp.fr

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