"Minuit à la croisée des chemins", Bénin, 2016. © Bruno Morais et Cristina Middel

La 49ème édition de Rencontres de la photographie d’Arles porte sur les expériences spatio-temporelles, en guidant le public à travers plusieurs époques et différents lieux. Trois thématiques sont mises en avant cette année : l’Amérique avec une référence au slogan de Donald Trump « America, great again » ; l’humanité augmentée qui examine le numérique et l’intelligence artificielle ; un clin d’œil à Mai 68 à l’occasion du 50e anniversaire de ce moment historique. Mais aussi parce que le monde, en pleine révolution numérique, fait face aujourd’hui à des tentatives de retour aux sources.

Le festival d’Arles, ville du sud de la France, englobe une trentaine d’expositions divisées en plusieurs séquences. La première concerne donc les Etats-Unis ; la seconde « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi » dévoile les barricades et les mobilisations étudiantes de Mai 68 en épluchant les archives de plusieurs magazines dont Paris Match ou celles de photographes comme Marcelo Brodsky.

La rubrique « Humanité augmentée » interroge l’importance numérique dans ses approches à la fois effrayante et attrayante. Mais plus généralement, les œuvres tournent autour du transhumanisme et de l’introspection. Quant à la partie, « Le monde tel qu’il va », elle s’intéresse au contexte géopolitique mondiale ; « Les plateformes du visible » regardent plus généralement la photographie documentaire ; « Les figures de style » sont un moyen d’aborder la photographie en motifs et leitmotiv ; « Les dialogues » croisent des œuvres similaires et les « Émergences » offrent la découverte des nouveaux talents.

Enfin, en parallèle, les Rencontres d’Arles présentent « Programme associé » qui révèle les travaux d’autres artistes par l’intermédiaire de partenariats avec des institutions et lieux arlésiens.

Spiritisme africain en Amérique latine

Dans, « Humanité augmentée », le duo Bruno Morais et Cristina Middel abordent le spiritisme africain dans la série Minuit à la croisée des chemins.

La présence africaine en Amérique latine est particulièrement solide et visible. La série Minuit à la croisée des chemins s’intéresse à cette relation et invite plus précisément le public dans un voyage à travers le spiritisme africain. Bruno Morais et Cristina de Middel ont un attrait particulier à tout ce qui a un rapport à la religion et au mystique.

Né au Brésil, Bruno a reçu son diplôme de professeur de photographie à l’École de Photographes Populaires de Rio de Janeiro. Il pratique également l’umbanda, un rite brésilien mélangeant christianisme, candomblé et spiritisme. Pour Cristina, ce sont les rites africains qui lui donnent envie de travailler sur le projet. Originaire d’Alicante, en Espagne, elle a intégré l’Université de Photographie d’Oklahoma en 2000, puis l’Université Autonome de Barcelone deux ans plus tard, où elle étudie le photojournalisme.

"Minuit à la croisée des chemins", Bénin, 2016. © Bruno Morais et Cristina Middel

Ce projet s’est construit sur trois années, traversant quatre pays : Brésil, Cuba, Bénin et Haïti : « un processus d’apprentissage, une grande aventure » raconte Bruno. C’est un mélange original puisqu’il s’est construit avec une partie documentaire réelle, et une autre fictive faite à base de légendes et mythes de l’Ésú, un esprit d’origine africaine provenant des traditions religieuses des Yorubas.

 Cette double production a été suivie de l’idée jusqu’à la prise de photos. Les deux artistes souhaitent faire connaitre une culture victime de préjugés dus « à une ignorance sur le sujet et d’une vision chrétienne du monde » souligne le photographe brésilien.

Les coulisses du cortège funèbre de Fidel Castro

L’art photographique permet de saisir certains moments du quotidien, de dévoiler des sujets qui paraissent lointains par le biais du documentaire. Il questionne aussi des moments historiques, comme le projet cubain Yo Soy Fidel.

Le photographe américain Michael Christopher Brown a grandi dans la vallée du Skagit, une communauté agricole dans l’État de Washington, aux Etats-Unis. Ses photos manifestent de son intérêt pour la révolution : il s’est d’abord approché de celle en Libye, lui permettant de remporter le prix Paris Photo – Aperture Foundation First Photo-Book Award en 2016 et International Center of Photography Infinity Artist Book Award, l’année d’après.

"Yo soy Fidel", la foule cubaine après la mort du chef révolutionnaire Fidel Castro, le 29 novembre 2016. © Michael Christopher Brown

"Yo soy Fidel", Cuba, 2016 © Michael Christopher Brown -

Les clichés que Michael Christopher présente à Arles suivent le cortège funèbre de l’ancien chef révolutionnaire cubain, Fidel Castro. À la fin de l’année 2016, à bord de sa voiture, il photographie la foule cubaine qui regarde passer les convois militaires transportant les cendres de Castro transportées de La Havane à Santiago.

Ce parcours fait référence au trajet Santiago – La Havane engendré par Fidel Castro après la Révolution de 1959. Les photos du photographe américain interrogent l’avenir du peuple cubain plongé pendant un demi-siècle dans la révolution, symbole de lutte contre l’impérialisme. Les œuvres mélangent photos, vidéos, textes et objets.

"Yo soy Fidel", Cuba, 2016 © Michael Christopher Brown

Un voyage dans l’espace 

Les nouveaux talents font partie des trouvailles du festival d’Arles. Chaque année, des galeries sont sélectionnées pour présenter le travail d’un artiste. Parmi les projets choisis, il y a Ascension de l’artiste mexicaine Mónica Alcazar-Duarte.

Née à Mexico en 1977, Mónica a participé à un documentaire photographique du Collège de Communication basé à Londres, ville dans laquelle elle travaille désormais. Frustrée par la mauvaise réputation du Mexique, elle réalise un travail de 96 photos regroupées dans le livre Your Photograhs Could Be Used By Drug Dealers qui dévoile un Mexique beau et paisible dans lequel on peut vivre dignement. Aujourd’hui, l’artiste contribue à des travaux de recherches indépendants, mais aussi pour des ONG anglaises.

Ascension est un décollage en direction de l’univers spatial. Via une installation interactive, l’artiste révèle les investigations de scientifiques et des centres de recherches européens. Les photos accompagnées d’une installation sonore sont le résultat d’un travail initié en 2014. Cet intérêt survient lorsqu’elle découvre une initiative hollandaise recrutant des personnes dans le monde entier pour se rendre sur Mars avec juste un aller simple : « j’ai commencé à me dire que l’avenir lointain pouvait finalement être une réalité proche » raconte la photographe mexicaine avec stupéfaction.

"Ascension", zone test PUB : banc d’essai d’utilisation planétaire faisant 8 mètres sur 8 mètres, 2017. © Mónica Alcazar-Duarte

Un projet difficile au début puisqu’il lui a fallu 6 mois et plusieurs voyages avant d’obtenir l’autorisation pour se rendre au Centre européen de technologie spatiale au Pays-Bas. En revanche, sa première photo dans le lieu est inoubliable : « quand je suis rentrée dans la Chambre Anéchoïque, il y avait une telle tranquillité que c’était à faire frémir, je pense que j’ai même pu entendre mon cœur battre ».

L’artiste mexicaine a par la suite mené un travail d’enquête auprès de plusieurs institutions : la station de recherche Lunares en Pologne, le laboratoire de la science spatiale Mullard et le grand musée de Zoologie, tous les deux en Angleterre. L’exposition se retrouve découpée en quatre chapitres car Mónica voulait voir sa position vis-à-vis de son sujet évoluer et grandir au fur et à mesure. Elle a également développé une application afin d’avoir accès à une partie supplémentaire de l’exposition, une application qui porte d’ailleurs le même nom que son projet : Ascension.

Astronaute Marcin Kaczmarzyk recevant une formation pour une mission, Pologne, 2017. © Mónica Alcazar-Duarte

"Ascension", zone de test dans la chambre Anechoic dans le coeur technique ESA, aux Pays-Bas, 2017. - Astronaute Marcin Kaczmarzyk recevant une formation pour une mission, Pologne, 2017. © Mónica Alcazar-Duarte

Architecture colombienne à l’honneur

Grâce à sa rubrique « Programme associé », le festival d’Arles ouvre également les portes à d’autres rencontres en parallèle de ses expositions. Ici, on retrouve la collaboration Contemplation du moine bouddhiste et photographe français Matthieu Ricard et de l’architecte colombien, Simón Vélez.

Contemplation est une initiative qui mêle photographie et architecture. Matthieu Ricard dévoile quarante œuvres uniquement en noir et blanc imprimées sur le papier japonais Awagami avec une technique de production qui date de 1400 ans. Elles sont le fruit de cinquante ans dédiés à la spiritualité, une grande partie dans l’Himalaya.

Pour disposer les photos dans un pavillon de bambou, il a fait appel à l’architecte colombien, Simón Vélez. La structure dessinée spécialement pour l’occasion est faite sur 1000 m², située au bord du Rhône.

"Contemplation", foule de moines allant accueillir un grand lama, Népal, 1995. © Matthieu Ricard

Simón Vélez découvre à Manizales, ville colombienne où il nait en 1949, une technique à base de bambou. Lorsqu’il commence à la travailler il y a 35 ans, l’architecte colombien se met à ériger des architectures modernes et contemporaines aux hauteurs incroyables, comme des dômes elliptiques. Ses constructions, inspirées par les grandes malocas d’Amérique latine, sont au nombre de 200 étalées en France, en Allemagne, aux États-Unis, au Brésil, en Colombie, au Panamá, en Équateur, en Jamaïque, au Mexique où certaines séjournent au Musée Nomade à Mexico et en Chine qui détient une partie de ses œuvres dans la forêt de Nankun Shan, une réserve du Guangzhou.

Invités, remises de prix, multiples expositions, artistes du monde entier, photographies interculturelles : la programmation des Rencontres de la photographie d’Arles prévoit de nombreuses surprises cette année !

Simulation 3D du pavillon de l’extérieur et de l’exposition. © Simón Vélez et Matthieu Ricard

Simulation 3D du pavillon de l’extérieur et de l’exposition. © Simón Vélez et Matthieu Ricard -

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