Crédit : Guillaume Malheiro.

Sophie boit une gorgée de sa bouteille et devant elle une rue s’étend. Elle se souvient qu’ici même dans son quartier de Belleville, elle achetait des fruits dans une boutique asiatique. Ce qu’elle appréciait : sentir les odeurs des épices du marché. Elle s’installait juste en face d’une échoppe pour écouter les chansonnettes d’une vieille femme.

Ses yeux brillent quand elle nous raconte qu’un jour, quand elle avait quatre ans, elle s’est échappée des bras de son père écoutant son cœur qui lui chuchotait de connaître le chemin de retour à la maison. Et ainsi, elle a couru à travers les rues et jusqu’aux marches des escaliers de son immeuble qu’elle a grimpées une à une. Quelques minutes plus tard, son père arrive et hurle en tirant la poussette de sa petite sœur, il trouve Sophie frappant à la porte de la maison, il lui jette un regard, mélangeant haine et d’amour. Mais Sophie rigole d’un air malin.

Elle a grandi au milieu du métissage de ses parents : un français et une vénézuélienne. Elle a appris à marcher entre les sculptures andines de la région de Mérida, au Venezuela, et les poupées de Simón Bolívar. Elle se rappelle du rock, du punk et du reggae de son père mais aussi de la musique classique, caribéenne, de la salsa et du folklore vénézuélien de sa mère qui résonnaient entre les murs.

Ses premiers contacts avec un instrument sont le violon puis le piano. Mais elle arrête de jouer et choisit finalement l’ingénierie du son pour ses études. Après cela, elle s’aventure au Venezuela où elle travaille dans des tournages de films et commence peu à peu à travailler dans la production de son.

À 23 ans, elle décide de rentrer à Paris. Un soir, lors d’une fête, alors qu’elle se promène dans l’appartement où elle était, elle voit un piano ; bien qu’elle n’ait pas joué depuis des années, elle s’assoit et commence à caresser les touches sur des morceaux de Debussy et des sons cubains. Soudain, un homme arrive en lui disant qu’il est le leader d’un groupe et l’invite à venir les voir. Le lendemain, il l’appelle et lui propose de jouer avec eux. Sophie accepte. À partir de ce moment là, la musique la rattrape complètement.

Elle s’amuse à improviser avec ses camarades et, peu à peu, le fonctionnement des claviers et les différents styles musicaux lui reviennent. « J’étais très pauvre, ne mangeait rien, mais j’avais une énergie incroyable et je me suis sentie super heureuse », raconte Sophie.

Après cinq ans de collaboration à leur côté, Sophie se consacre aux chœurs et au piano et accompagne des artistes tels que Zap Mama, Mayra Andrade, Pauline Croze et Yael Naim.

Mais ce n’est qu’après avoir rencontré Bastian Picot, l’un des membres de 3somesisters, qu’elle développe toute la puissance de sa voix. Non seulement il lui donne des cours de technique vocale, mais il lui apprend aussi à avoir confiance en elle et sa voix. Picot lui propose également de rejoindre le groupe avec lequel elle jouera pendant cinq ans. « C’était extrêmement intéressant au niveau artistique car c’était le groupe le plus original avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler. Ce fut une expérience formidable car je chantais sans instrument ; ça développait beaucoup ma voix », raconte Sophie avec bonheur.

Sophie accompagne des artistes pendant douze ans jusqu’au jour où elle décide de s’exprimer à son tour : son essence, ses obsessions, ses douleurs et ses rêves.

La Chica est alors née comme un clin d’œil à son quartier, Belleville. Elle raconte que, dans son adolescence, l’un de ses oncles vénézuéliens l’appelait « Chica » lui rappelant qu’elle n’était pas un homme. Des années plus tard, Sophie décide de prendre ce nom en souvenir du quartier où elle a grandi et de ses racines latino-américaines.

Certains se demandent pourquoi La Chica de Belleville chante en espagnol et la réponse est surtout organique : Sophie rêve en espagnol depuis toujours et le processus de création de sa musique et ses paroles lui arrivent dans cette langue. En plus d’influencer sa musique, ses rêves l’inspirent aussi pour faire ses clips qui sont le reflet de ce qu’elle pense. « C’est toujours très intense, ça fait très peur, et j’ai le sentiment que je dois transformer cette sensation en quelque chose, sinon ça reste à l’intérieur et ça me mange », dit-elle.

La Chica de Belleville est vénézuélienne et ne joue pas de cumbia, de salsa ou de reggaeton. Elle est aussi française et ne fait pas de swing ou de jazz et cela n’est pas un problème pour développer son projet sans être enfermée dans une case.

Son authenticité se ressent dans son œuvre : un voyage sensoriel qui mélange la percussion électronique, la pop et les sons latino-américains comme le montuno, le son et le chant llanero avec des paroles et des environnements sonores et de réflexion. Même les chansons plus douces comme ‘Addict’ invitent le corps à se lever pour danser.

En 2017, La Chica de Belleville crée son premier EP intitulé ‘Oasis’ et en février 2019 sort l’album ‘Cambio’, dans lequel elle est en charge de la composition, des arrangements et de l’enregistrement dans son studio parisien avec Romain Joutard et Julien Grenier de EOS Records. Le mixage est réalisé par Lionel Capouillez au Studio Air en Belgique et masterisé par Mike Marsh au Royaume-Uni.

Les peurs et les illusions de Sophie, ses amours et ses duels, tout cela est dans sa musique. Si vous voulez voyager avec elle dans le même avion en papier, vous devez la voir en live. C’est de la magie pure. Les bières entrent en collision. Un, deux, trois, on éteint l’enregistreur. Ce qui suit est une autre histoire.

Newsletter

Inscrivez-vous pour recevoir les derniers articles


Top