Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt.

Lieu de rassemblement et de détente, la plage – et ceux qui la peuplent à la saison estivale – attire l’œil des photographes qui ont à cœur d’étudier l’être humain et sa façon de vivre, la photographie de plage étant devenue une grande tradition de la culture de l’image. On peut citer par exemple le célèbre Martin Parr, photographe par excellence de l’étude de la manière dont nous vivons et nous souhaitons nous présenter aux autres, et pour qui la plage reste un sujet de prédilection.

Mais si le sujet est très convoité, le travail du photographe est d’imposer sa propre vision, son propre regard. C’est le cas de Julio Bittencourt, jeune photographe né en 1980, qui a grandi entre São Paulo et New York. Il a également choisi la plage comme sujet d’étude pour une série de photographies présentant un portait social très fort de son Brésil natal.

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Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt.

Si ses projets diffèrent beaucoup par leur contenu, ils gravitent tous autour d’un seul et même thème, motivation première de ses recherches : sa grande curiosité concernant la manière dont nous vivons.

L’être humain et son environnement immédiat sont en effet au centre du travail de Julio. Et pour rendre compte de ce rapport entre humain et environnement social, il prend le temps d’être accepté par les communautés qu’il choisit de photographier, ce qui explique que la plupart de ses projets soient réalisés sur le long terme, comme c’est le cas de la série de la plage à Ramos, qui s’écoule sur quatre ans, au moment du carnaval vers mars et avril, de 2008 à 2012.

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Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt.

C’est à une heure de bus à l’ouest de Rio de Janeiro que Julio a décidé d’emporter son appareil, afin de saisir des instants de vie sur la plage du lac artificiel de Ramos, qui a donné son nom à la série en question. Dans une atmosphère presque surréelle, Julio nous offre une immersion dans un monde coloré et unique où se mêlent nourriture, jeux, embrassades et discussions. Les photographies de Julio offrent parfois le point de vue d’une telle proximité avec le sujet photographié qu’on entendrait presque le brouhaha s’élevant de la plage surpeuplée. Elles dévoilent avec une grande efficacité le dynamisme qui exulte de cette plage, entre chaos et énergie vibrante.

Sorte de piscine publique pour la population pauvre des alentours, Ramos est une série photographique qui présente un Brésil bien différent de l’imagerie des plages paradisiaques d’Ipanema ou Copacabana que l’on nous sert à haute dose à l’étranger.

Julio a été obligé de passer par le biais de ce qu’on appelle un fixeur, un lien direct entre lui et la communauté en question, l’aidant ainsi à savoir quand il était possible de photographier et les moments où son appareil devait être baissé.

Julio raconte lui-même que ce projet a donné lieu à de nombreuses controverses et critiques, la question la plus redondante étant : « Pourquoi vouloir montrer ça ?  Il y a tant de belles choses à montrer du Brésil ». Mais ce qui intéressait le photographe était justement de dépeindre cette communauté pauvre, trouver le moyen de la mettre en lumière sans la réduire à sa situation sociale. De fait, les alentours de la piscine sont des zones où une grande violence fait rage. Et même si dans l’enceinte de la piscine il n’en est rien, le parti pris du photographe est d’afficher la joie de vivre captée dans ces moments de lâcher prise au soleil, et non la violence qui fait pourtant partie du quotidien.

Le lieu est aujourd’hui abandonné. La motivation première de la création de cet endroit serait en réalité, d’après lui, un acte politique sous la forme d’une ségrégation sociale et raciale, visant à maintenir les plus pauvres hors des hauts lieux touristiques et des plages réservées aux plus riches, où leur présence serait malvenue.

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Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt. -

Il est néanmoins important de prendre en compte à quel point la création d’un lien entre l’univers de cette communauté et le sien en tant que photographe n’a pas été évident. Il a été obligé de passer par le biais de ce qu’on appelle un fixeur, un lien direct entre lui et la communauté en question, l’aidant ainsi à savoir quand il était possible de photographier et les moments où son appareil devait être baissé. Et c’est ainsi qu’au fur et à mesure que son projet avançait, il s’est fait accepter et les gens se sont habitués à sa présence.

Questionné sur le sujet, Julio explique que pour lui la chose s’est faite de manière naturelle. Étant né au Brésil, il ne se sentait pas complètement comme un étranger sur cette plage. Pourtant son regard est biaisé, il le sait, et c’est aussi ce qui l’intéresse dans le résultat qu’offrent ses photographies. Il s’amuse à y déceler la non neutralité de son point de vue et il est porté par l’envie de comprendre les raisons qui le poussent à vouloir choisir tel ou tel angle, ou tel ou tel sujet. C’est au cours du projet et via les sujets photographiés que Julio a su aiguiller le cheminement intellectuel de sa recherche artistique.

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Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt.

Parmi les nombreuses photographies qui forment la série, certaines sont posées, d’autres non. Il dit que les portraits ne sont pas ses préférés et ils ne sont même pas présents dans le livre qu’il a publié sur cette série (et dont la préface a été rédigée par Martin Parr lui-même). Ce qu’il cherchait vraiment à traduire et à analyser était cette dualité entre la manière dont les gens voulaient se présenter et la manière dont lui souhaitait les photographier, témoignant du regard que chacun porte sur le monde et sur soi.

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Série "Ramos", 2008-2012, ©Julio Bittencourt. -

Son travail a été exposé à Paris à l’Espace des Blanc Manteaux à l’occasion de la quatrième édition du festival La Quatrième Image, qui promeut la photographie émergente. Créé en 2013 et soutenu par la mairie de Paris et la Maison Européenne de la Photographie, la Quatrième Image décerne aussi un prix de photographie et organise un concours de jeunes talents.

Les projets de Julio Bittencourt ont été exposés dans de nombreuses galeries et musées dans le monde, de l’Argentine au Japon, du Chili au Cambodge, en passant par New York, Paris et Berlin. Ses photos ont également été publiées dans plusieurs grands magazines internationaux comme Géo, Stern, Le Monde, Time ou le Wall Street Journal.

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