À l’origine du projet

Tout commence en 2008. Albertine de Galbert, qui ne s’imaginait pas encore devenir un jour commissaire d’exposition, quitte la production audiovisuelle en France pour entreprendre un voyage de découverte de la vie artistique du continent latino-américain, qui durera un an.

Elle crée d’abord un site de voyage, où elle présente ses différentes rencontres sous forme de portraits, mais son entreprise prend rapidement de l’ampleur. En effet, dès son arrivée à Buenos Aires, elle raconte que les personnes qu’elle rencontrait lui fournissaient des listes interminables de curateurs, collectionneurs, commissaires, et directeurs de musées. Elle se rend donc à l’évidence au bout d’une trentaine d’interviews : « Il fallait que je trouve une manière un peu plus systématique d’intégrer toutes ces données. »

Et c’est ainsi qu’est né le site arte-sur.org, qu’elle lance en 2011 avec le soutien du Centre Pompidou. Il a vocation à être une base de données spécialisée dans l’art contemporain de l’Amérique latine. Albertine admet elle-même que ses connaissances, ses goûts et ses choix exercent une influence importante sur la sélection des personnes présentes sur le site, surtout en ce qui concerne les artistes. Intégrés dans un premier temps sur invitation, les artistes déposent maintenant des candidatures spontanées. À long terme, Albertine souhaite élargir les horizons du site afin qu’il puisse s’autoalimenter, l’idée étant par exemple qu’on y trouve des artistes ou des pratiques qu’elle ne s’imaginait pas défendre jusqu’alors dans le cadre d’un projet d’exposition.

Albertine de Galbert.

Albertine de Galbert.

Son ambition et sa mission

En France, le constat est affligeant en termes de promotion de la culture latino-américaine en France, Alterlatine faisant figure d’exception. Pourtant, la relation entre le continent sud-américain et la France est assez solide et tient d’un héritage historique, mais la production artistique d’outre-Atlantique est encore très peu représentée dans l’hexagone.

C’est pourquoi arte-sur.org a rencontré un écho significatif dès ses débuts. À la suite de son lancement, Albertine a directement été sollicitée pour sa connaissance de la scène contemporaine latino-américaine, et ce sous de multiples casquettes : conseillère, notamment pour la FIAC, chargée du développement d’un réseau de collectionneurs en Amérique latine, mais également dans le cadre de projets de coopération (en devenant par exemple la référence en France d’un programme de résidence croisée entre écoles d’art mexicaines et françaises).

Par ailleurs, à une époque où le numérique règne en maître sur la communication, Arte-sur joue également un rôle de plateforme de présentation des artistes. En 2011, la création d’un site internet n’était pas aussi simple qu’aujourd’hui, ce qui freinait souvent les artistes. Il a donc paru important pour Albertine de les mettre sur un pied d’égalité en matière de communication, car l’image et la présentation sont décisives dans la carrière d’un artiste. De fait, à l’heure du numérique, le fait de ne pas respecter les mêmes codes de communication marketing lors d’un concours ou un appel à projet entraîne fréquemment un refus ou un manque d’intérêt pour le dossier présenté.

Iván Argote,

Iván Argote, "Turistas (Isabel entregando un contrato y Cristobal aputando hacia el sur)", photographie, 2012.

En 2013, à l’occasion d’un appel à projet pour de jeunes commissaires au Palais de Tokyo, Albertine décide de postuler sous le nom Arte-sur. Il s’agissait du contexte idéal pour sortir le projet du virtuel et accomplir l’une de ses missions principales : soutenir les artistes d’Amérique latine. C’est ainsi que le projet Collective Fictions a vu le jour au Palais de Tokyo à l’occasion de la manifestation estivale « Nouvelles Vagues », coïncidant avec l’émergence de la nouvelle figure du curateur.

Albertine y invite la curatrice Isabelle le Normand, qui agrandit le cercle de trois autres curateurs. Un véritable marathon d’écriture s’est mis en place et a duré un mois et demi. L’exposition a été conçue à la manière d’un cadavre exquis avec une sélection de vingt œuvres.

Il en est ressorti une grande réflexion sur la façon de montrer et présenter l’art contemporain du continent. De fait, le seul critère à respecter dans le choix des curateurs participant à l’exposition était qu’ils ne soient pas familiers des scènes artistiques d’Amérique latine, qu’ils n’y aient jamais vécu. Ainsi, ils ont pu choisir les œuvres qu’ils voulaient présenter en piochant directement dans le catalogue du site sans connaître la plupart des artistes répertoriés.

Cela a permis de révéler à la fois des artistes émergents qui n’avaient même pas de galerie comme Estefania Penafiel et des artistes confirmés comme Ricardo Brey, Ana Gallardo ou Ivan Argote.

Vue d'exposition,

Vue d'exposition, "Voyage Voyage", curatée par Albertine de Galbert, Maison de l'Amérique latine, 2012.

Montrer et aborder l’art latino-américain à l’étranger

À travers les différents projets d’expositions auxquels Albertine a participé en qualité de commissaire, son expertise a évolué. À chaque exposition, elle doit surmonter la même difficulté au moment de présenter des artistes originaires d’Amérique latine : « Il y a vraiment une dimension éthique de ce que représente le fait de montrer les œuvres d’artistes latino-américains hors de leur contexte, comment tu en parles, etc. Tu peux rapidement tomber dans quelque chose un peu instrumentalisant. Il faut toujours faire très attention. »

La mondialisation a eu un effet considérable sur l’art et sur le marché de l’art. Malheureusement, certains ont, à mon avis, abusé du label « émergent » des nouvelles scènes artistiques (Amérique latine, Afrique…) et sont tombés dans une catégorisation un peu trop simpliste de l’art produit sur place. C’est également l’avis d’Albertine de Galbert : « Il faut arrêter avec cette histoire de la violence qui est exclusive à l’Amérique latine. (…) Pour moi il y a quelque chose d’hyper intéressant dans les questions qui traversent l’Amérique latine et qui font écho avec ce que traverse le contexte socio-politique français. Sur la violence, sur l’immigration, sur le lien à la colonisation, même les propositions collectives, leur rapport à l’environnement, à l’urbain, etc. »

Avec ce projet, Albertine veut fuir l’étiquette « art d’Amérique latine » et ainsi éviter du mieux possible que soit posé un regard trop européo centré sur les pratiques artistiques de cet ensemble culturel.

De fait, à propos de l’exposition Collective Fictions, Albertine raconte : « On m’a dit à plusieurs reprises : ‘c’est drôle on ne dirait pas une expo d’art latino’. Et pour moi, c’était le meilleur compliment. »

Vue d'exposition, Artesur Collective Fictions, Nouvelles Vagues. Palais de Tokyo, 2011.

Vue d'exposition, Artesur Collective Fictions, Nouvelles Vagues. Palais de Tokyo, 2011. -

Et maintenant ?

Albertine et son équipe de collaboratrices ont pour ambition de créer un centre de documentation afin de concrétiser le projet Arte-sur. 
Il comporterait un espace dédié à la documentation et à la consultation d’ouvrages spécialisés sur l’art contemporain d’Amérique latine, et un autre dédié à des expositions et des rencontres.

Il n’existe toujours pas de nos jours de lieu expérimental à but non lucratif dédié à l’art contemporain d’Amérique latine à Paris. L’objectif principal de l’ouverture d’un lieu différent dédié à l’art contemporain de cette région lointaine et donc de revaloriser une tradition d’échanges qui s’est essoufflée au cours des vingt dernières années.

Ne manquez pas le prochain projet d’Arte-sur (en collaboration avec l’Association Plateau Urbain), Video-sur, festival de l’art vidéo latino-américain. Au programme, plus de soixante artistes et quinze lieux parisiens, le tout sur une semaine. Nous vous en dirons plus très prochainement sur Alterlatine !

Vue d'exposition, Artesur Collective Fictions, Nouvelles Vagues. Palais de Tokyo, 2011.

Vue d'exposition, Artesur Collective Fictions, Nouvelles Vagues. Palais de Tokyo, 2011.

Plus d'infos

www.arte-sur.org

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